Enherbement du rang, paillages : tester les alternatives

TECHNIQUES

 

L’IFV Sud-Ouest et l’ATV 49 réalisent depuis de nombreuses années des expérimentations sur l’enherbement du rang et les paillages. Retours sur leurs résultats. 

Laure Gontier, de l’IFV Sud-Ouest, présente les résultats de dix années d’expérimentation sur l’enherbement total des vignes. « Sur trois parcelles expérimentales (1), nous avons comparé à un témoin désherbé mécaniquement sous le rang et enherbé tous les inter-rangs, des microparcelles enherbées à 100 % : soit en enherbement spontané, soit avec un mélange de koelerie et fétuque ovine, soit avec du dactyle seul. » Les résultats présentés proviennent de la parcelle en AOP Cahors. Les parcelles enherbées sont tondues 2 à 3 fois par an. 

Baisse du rendement et de la vigueur
« Sur 8 des 10 années de suivi, nous observons une baisse du rendement sur les parcelles enherbées. Avec une baisse moyenne de 35 % », indique Laure Gontier. « Mais nous notons un effet millésime très fort. Les baisses de rendement sont plus liées aux années sèches qu’aux types d’enherbement. » Cependant, malgré ces baisses de rendement, l’objectif de rendement AOP est atteint dans 70 % des cas. En revanche, les expérimentateurs observent une baisse continue de la vigueur de la vigne les quatre premières années de l’expérimentation. « Nous avons voulu voir si la vigne s’adapterait à l’enherbement avec le temps, mais cela n’a pas été le cas. Nous avons donc apporté une fertilisation foliaire pour compenser l’effet de l’enherbement. Et la vigne a retrouvé sa vigueur de départ au bout de 2-3 ans. » Pour ces raisons, Laure Gontier conseille la mise en place de l’enherbement total sur les parcelles les plus vigoureuses.

Réserves de l’azote 
« Nous estimons que les baisses de rendement s’expliquent par des grappes moins lourdes et moins nombreuses, explique Laure Gontier. Cela serait dû à un plus faible taux de débourrement. » Cette hypothèse questionne alors la mise en réserve de l’azote. « Il pourrait donc y avoir un effet pluriannuel de la concurrence azotée. L’herbe présente aussi à l’automne, se développe en premier et capte l’azote, au détriment de la mise en réserve de l’azote dans la vigne pour l’année suivante. » Des mesures de L’IFV montrent bien que la présence de légumineuses dans les mélanges semés sous les rangs améliore le taux d’azote assimilable dans les moûts. « Mais la pérennité des légumineuses reste souvent le problème. »

Des plantes couvre-sol
Perrine Dubois est conseillère viticulture à l’ATV 49, association technique viticole du Maine-et-Loire. Depuis 2013, elle mène des expérimentations d’implantation de plantes couvrantes sur le cavaillon (Lire Biofil 110). Elle présente de nouveaux résultats. « Le plantain corne de cerf était une plante assez prometteuse, s’implantant bien, rappelle Perrine Dubois. Mais après avoir colonisé le sol très rapidement dès les premiers mois et pendant les trois premières années, il a totalement disparu, de façon brutale en 2018. » 2018 a été une année avec beaucoup d’eau et des températures douces. « Est-ce que ce climat un peu tropical lui a été défavorable ?, s’interroge la conseillère. Ou alors trop favorable aux adventices ayant pris le dessus ? » Autre hypothèse : le plantain corne de cerf serait une plante pionnière, s’installant bien les premières années, puis disparaissant. La piloselle, elle, avait mis du temps à s’installer. Mais au bout de quatre ans, elle avait un taux de recouvrement de 80 % voire 90 % par endroits. « En 2019, on la voit peu, peut-être à cause de la sécheresse. Mais comme elle la supporte bien, elle peut repartir. » La saponaire des rochers reste couvrante sur deux placettes. « Sûrement grâce aux épisodes de sécheresse car c’est une plante aimant bien les régions chaudes et sèches », estime Perrine Dubois. Le sedum, lui, est irrégulier et globalement pas assez couvrant.

Parmi les plantes testées par l’ATV 49, le thym longicaulis est le plus prometteur.

 

Test d’autres espèces
Au sein du projet de recherche Placohb (2), de nouvelles espèces sont mises en place en 2016. « Elles sont installées en mini-mottes, car la voie végétative est leur voie de reproduction préférée, indique Perrine Dubois. Mais si cela fonctionne bien, les essais en semis seront envisagés pour gagner du temps. » Pour l’instant, le thym longicaulis donne le plus d’espoir. « Il a été assez rapide à s’implanter, bien couvrant et supporte bien la sécheresse. Mais nous restons prudents car nous savons que les résultats peuvent changer avec les années. » Le thym polytrichus a eu du mal à s’implanter mais la sécheresse semble lui avoir été profitable car son taux de recouvrement progresse. Phuopsis stylosa atteint 60 à 70 % sur la parcelle séchante et 40 à 50 % sur la parcelle argileuse. « Nous avons remarqué qu’autour de lui, le sol est nu… A-t-il des propriétés allélopathiques ? À voir l’impact éventuel sur la vigne », note Perrine Dubois. La véronique cantiana de son côté n’a pas tenu le coup et ne couvre pas assez. L’impact de ces plantes sur la vigne et sur les rendements est en cours d’évaluation.

 

Besoin d’entretien
Pour le moment, Perrine Dubois émet quelques réserves sur la technique. Selon elle, même si on choisit des plantes bien couvrantes, les adventices arrivent toujours à se faire de la place. « Nous avons été obligés de passer le rotofil une fois par an sur toutes les modalités. » De plus, selon la conseillère, pour éviter trop de concurrence, l’enherbement sous le rang implique souvent le travail de l’inter-rang. « On diminue alors la portance des sols, surtout sur sols limoneux. » Le paillage du rang est une alternative pour éviter la pousse de l’herbe sous le rang, sans empêcher la mise en place de couvert dans l’inter-rang.

 

 Si elle est facilement trouvable et en quantité suffisante,
la paille peut être une alternative intéressante pour gérer l’herbe du cavaillon.

 

Paille de blé et miscanthus
L’ATV 49 expérimente la paille de blé et de miscanthus comme paillage sous le rang. « Nous estimons qu’il faut au moins 15 cm de paille. Et sur un sol bien vivant, il est nécessaire de remettre la paille de blé régulièrement. Au moins tous les ans, détaille Perrine Dubois. Tout dépend aussi de la longueur du brin. » Les deux premières années, un effet allélopathique est observé avec la paille de blé : les adventices ne repoussent pas même si la paille est bien dégradée. « Mais avec une paille encore riche en semences, de nombreuses repousses de la céréale apparaissent. » Aucune faim d’azote n’est observée pour le moment. « Il est préférable d’attendre 5-6 ans avant de se faire une opinion. Pour lisser l’effet des millésimes contrastés. » Le miscanthus, très ligneux, se dégrade moins vite. « Le paillage peut rester en place plusieurs années. » Christophe Gaviglio, de l’IFV, ajoute que des sociétés existent, proposant un service d’épandage de paille, ou de sciure avec un épandeur dédié à la vigne pour mécaniser l’opération. « Attention, la technique a tendance à attirer les sangliers aimant fouiner sous les paillages. » À chacun de tester les pratiques...

Frédérique Rose

 

(1) AOP Cahors et Fronton et IGP Côtes de Gascogne.

(2) Projet porté par l’Astredhor.

 _____________________________________

 

Désherbage mécanique : préconisations de l’ATV 49 
Perrine Dubois conseille la combinaison de disques émotteurs avec des bineuses à doigts en caoutchouc. « Le débit de chantier peut aller jusqu’à 10 km/h. Et les outils sont respectueux des vignes. Les disques émotteurs passent au ras du cep sans les toucher. Ils forment une petite butte de terre meuble et souple, mais ne vont pas chercher la terre sous le cavaillon. Les bineuses à doigts s’en chargent et finissent le travail. En outre, le travail n’est pas fait en profondeur, n’endommageant pas les racines de la vigne. »