Crise du Coronavirus / Quels impacts économiques chez les vignerons ?
« Les difficultés économiques sont évidemment liées aux circuits de distribution des vignerons, commente Nicolas Richarme, président de Sudvinbio et vigneron à Sabran dans le Gard. Et certains des collègues producteurs, vendant en direct et au sein des circuits CHR sont les plus impactés. » Le vigneron dont la production est commercialisée principalement en magasins bio, grande distribution et vrac, ne ressent pour le moment pas d’impacts financiers. « Nous avons toujours des commandes régulières de nos clients. D’après eux, en magasins, les ventes sont assurées. Et les négociants avec qui nous avons passé des contrats quelques mois auparavant, tiennent leurs engagements et continuent de retirer du vin. » Nicolas Richarme prône cependant la vigilance. « Néanmoins, on ne sait pas où on va ! Il est compliqué de penser déjà à de nouvelles stratégies, nous ne savons pas combien de temps cette crise va durer et comment la situation évoluera. »
« Ce n’est pas la priorité d’acheter du vin ! »
La donne est bien différente chez Yves Dietrich, président de la commission vin bio de l’Inao et vigneron à Scherwiller dans le Bas-Rhin. Ses ventes, réparties de façon homogène entre l’export, les cavistes et la vente directe au caveau, sont à l’arrêt depuis le début du confinement. « Nos cinq salariés dédiés à la commercialisation sont en chômage partiel total. Le caveau est fermé, car les gens ne viennent plus acheter du vin, ce n’est pas leur priorité, et les conditions de vente auraient été trop compliquées à mettre en place. » Le vigneron se félicite d’avoir réussi à effectuer des livraisons avant le début du confinement. « Mais depuis, il n’y a quasiment plus de commandes. Les cavistes vivent sur leurs stocks. Nos importateurs sont confrontés au même problème car la crise est planétaire. Et même les consommateurs des pays n’ayant pas mis en place le confinement ont changé leur comportement. » Quelques palettes ont été livrées en Suède, mais cela reste anecdotique. Néanmoins, les contacts avec tous les clients sont réguliers et le domaine est prêt à répondre aux commandes dès que la machine sera remise en route.
Coup dur pour la trésorerie
Un chiffre d’affaires quasi nul donc, depuis la mi-mars. « Et c’est un manque à gagner que nous ne rattraperons pas ! » Et pourtant les charges sont là, avec les mises en bouteilles qui continuent, le travail à la vigne conséquent, la compensation des salaires des employés au chômage partiel. Et même si le vigneron bénéficie des soutiens de l’État, l’impact financier se fera sentir. « Nous avons un peu de trésorerie, mais elle fond comme neige au soleil ! Et nous voulons la garder pour financer la reprise, qui, à mon avis se fera doucement. » Pour payer les dépenses liées au confinement, Yves Dietrich envisage donc un prêt bancaire. « Car je ne souhaite pas différer le paiement de mes diverses échéances et factures. »
Yves Dietrich, président de la commission vin bio de l’Inao et vigneron en Alsace. (© Dietrich Y.)
Dans les vignes, le travail s’organise
En revanche, pas de difficultés pour les travaux des vignes. « Les salariés sont présents et nous avons eu plusieurs propositions de personnes pour venir nous aider. » Jamais plus de deux par parcelle, éloignés a minima tous les deux rangs, gel hydroalcoolique, grand espace pour manger sans être collés aux uns et aux autres… Yves Dietrich et son équipe réussissent à mettre en œuvre facilement les consignes de sécurité. « Et nos coopératives d’approvisionnements sont bien organisées : nous appelons avant, ils préparent les commandes et nous passons retirer la marchandise sans croiser qui que ce soit. Nous avons pu recevoir nos produits phytos, et tout ce dont nous avions besoin, idem pour nos plants de vigne. » Les réunions professionnelles, elles, sont en revanche en stand-by… même si les sujets d’échanges ne manquent pas.
Frédérique Rose