Christophe Gaviglio, de l’IFV Sud-Ouest : « L’anticipation reste la clé ! »

INTERVIEW

À l’IFV Sud-Ouest (1), Christophe Gaviglio est ingénieur d’expérimentation en charge de la mécanisation du vignoble. Il témoigne des enjeux liés à la gestion de l’enherbement et présente des pistes d’alternatives.

 

Christophe Gaviglio.

 

Vitisbio : Quels sont les enjeux actuels ?

Christophe Gaviglio : La grande problématique est le ratio « temps passé-efficacité ». Pour être compétitif, même s’il y a une plus-value sur les vins bio, une certaine surface de production avec des volumes est nécessaire pour s’en sortir économiquement. En bio, il y a un vrai goulot d’étranglement sur le temps de travail et la mobilisation du personnel liés à l’entretien du sol. Soit on reste limité en surface, pour avoir un ratio cohérent « surface adéquate pour un tracteur/un outil/un chauffeur », soit on agrandit sa surface, mais faut-il alors systématiquement augmenter son équipement et ses salariés ?

Quelles sont les pistes ?
Une amélioration consisterait à avoir des systèmes plus simples, plus rapides, plus efficaces, voire non spécifiques. Combiner des opérations pour optimiser le temps de travail : par exemple, broyer le couvert de l’inter-rang tout en désherbant mécaniquement sous le rang… Cela peut être aussi de laisser en permanence sur le tracteur des outils simplifiés et non spécifiques, comme des disques émotteurs. Ils peuvent rester en place même si on ne les utilise pas, sans gêner l’attelage d’autres outils. On gagne ainsi du temps dans le montage/démontage. Mais cela peut représenter des contraintes d’organisation, avec des attelages encombrants et des difficultés de manœuvres...

Les combinaisons d’outils optimisent les passages. Ici rotor et disques émotteurs.

Le guidage des tracteurs contribue à l’efficacité ?
En effet, le système amène plus de confort, plus de précision, donc moins d’arrêts de chantier, plus de régularité, moins de souches blessées… Ainsi, plus de performance du travail. Mais le guidage est encore peu utilisé par les viticulteurs. Cela reste cher – autour de 15 000 et 20 000 €, soit une grande part du prix du tracteur. Et le retour sur investissement est difficile à chiffrer par l’utilisateur. À cela il faut aussi rajouter le coût d’un abonnement pour recevoir les corrections cartographiques. Néanmoins les équipements existent. Fendt propose un système GPS avec une console en cabine. L’outil Trimble est une solution avec un volant électrique se positionnant sur la colonne de direction… Clemens développe la vision stéréoscopique, pour se passer du GPS et suivre le matelas végétatif. Mais je m’interroge sur la pertinence du système pour le travail du sol car quand on suit le matelas végétatif, on ne suit pas forcément le pied… Et cela nécessite une importante intervention sur la colonne de direction du tracteur. Une autre possibilité est la réalisation des ajustements de position latérale par l’outil ou le porte-outil. Comme le système Guidemat de Solemat. La solution est plus simple et ne supporte pas de gros écarts de tracteur, mais peut soulager le chauffeur.

 

Quelle est la place des couverts ?

Trouver des modalités préservant les sols, moins énergivores et moins chronophages que le travail du sol est un enjeu fondamental. D'où les initiatives et les nombreuses expérimentations pour maximiser les couverts au vignoble, sur le rang et dans l’inter-rang. Nous avons beaucoup travaillé sur les modalités de couverts sous le rang : types d’enherbement, semences… Nous n’avons pas encore trouvé les espèces idéales : suffisamment couvrantes pour limiter le développement des mauvaises herbes mais peu concurrentielles vis-à-vis de la vigne et ne montant pas dans les souches. Car la tonte sur le rang, même si elle est plus facile à réaliser car moins dépendante des conditions météo, reste délicate, à cause du matériel disponible. Les tondeuses coupant l’herbe dans un plan horizontal présentent un risque pour les souches. On laisse alors souvent une bande non tondue autour du cep. Et les systèmes de brosses passant au plus près du pied, sont plus agressifs et peuvent détruire le couvert que l’on avait réussi à implanter.  

 

Où en est la robotique ?
L’offre s’est développée avec Vitirover, Naïo technologies, Vitibot, Sitia… Ces robots savent tondre ou biner. C’est encourageant et pertinent par rapport au goulot d’étranglement du temps de travail. Et ils favorisent de nouveaux itinéraires techniques : plus d’interventions et de régularité, moins de profondeur, moins de puissance, moins de tassement dû aux structures plus légères que les tracteurs. Mais ne peut-on pas encore imaginer d’autres stratégies ? Notamment lorsque l’on souhaite travailler le moins possible son sol ou limiter les risques de blessures des souches. Au lieu des outils de binage, nous pourrions envisager plutôt l’utilisation de brosses, plus agressives que la tonte sans être du travail du sol. En passant plus souvent, régulièrement, on peut maintenir un sol peu couvert par la flore. Et ce, en utilisant moins de puissance, car sur les tracteurs, ces outils sont souvent utilisés en rattrapage. De plus, avec ce procédé, le sol reste à plat, se recouvre très vite dès qu’on arrête d’agir : cela optimise la mise en place d’un couvert pour l’hiver. 

« Pourquoi ne pas envisager la pose de brosses sur les robots pour imaginer encore d’autres itinéraires techniques innovants ? » questionne Christophe Gaviglio.

 

Quels sont les freins à l’utilisation des robots ?

Les robots sont onéreux et pas encore rentables. À moins de couvrir des surfaces très importantes. C'est une technologie naissante avec un marché de quelques unités par an, expliquant les coûts élevés. Ces montants devraient baisser quand ils deviendront plus courants. Une des pistes pour améliorer la rentabilité serait de les rendre plus polyvalents et de leur affecter plusieurs tâches. Mais ce n’est pas évident, car les actions qu’ils pourraient réaliser en plus du binage – comme l’épamprage, le rognage, l’effeuillage – sont concurrentes : elles se font à la même période. D'autre part, demander à un robot de réaliser plusieurs missions implique qu’il soit assez costaud pour porter deux outils, qu’il ait assez de puissance pour faire tourner les deux en même temps, et assez d’autonomie de batterie pour pouvoir le faire suffisamment longtemps… Tout est donc encore à imaginer ! 

Propos recueillis par Frédérique Rose

(1) Institut français de la vigne et du vin.